Après la colère et les révoltes des quartiers prioritaires

Sujet très sensible à aborder sereinement et objectivement:

Après la mort de Nahel M, tué par un tir policier à bout portant,  à Nanterre après un contrôle routier, les violences urbaines se sont rapidement propagées dans la plupart des quartiers en difficulté, dépassant en intensité les révoltes de 2005 qui s’étaient déroulées sur trois semaines.

Depuis vendredi 30 juin, les émeutes qui ont touché  des centaines de communes en France ont apparemment changé de nature, avec une intensité inédite, des niveaux de violence extrême, des pillages de commerces, des attaques contre des services publics écoles bibliothèques, mairies, commissariat de police…, impliquant finalement, plusieurs milliers de victimes directes d’incendies, de violences, de dégradations ou de vols, couronnées par des agressions d’élus territoriaux, jusque dans leur domicile privé.,

Selon un bilan chiffré du Ministère de l’intérieur après une semaine de violences : 2 508 bâtiments dégradés, des interpellations évalué du nombre d’émeutiers entre « 8 000 et 12 000, parmi lesquels ne figuraient pas plus de 10 % d’étrangers.(source)

Maintenant qu’un calme précaire semble revenu au prix de la mise en place d’un impressionnant dispositif de sécurité de 45 000 gendarmes et policiers à comparer au 11 000 engagés en 2005, qui assurent le rétablissement de la sécurité et l’ordre républicain, il n’est que temps que citoyens et acteurs publics et privés dépassent leurs émotions pour envisager plus calmement la situation et acceptent de tracer des perspectives d’avenir, dans un climat d’apaisement.

On peut faire le constat, pour le regretter que les deux dernières convulsions sociales  aient suscité des réactions publiques si opposées et contradictoires :

Une opinion majoritaire a porté un jugement généralement compréhensif et plutôt bienveillant, sur le mouvement « des gilets jaunes, qui exprimait de la colère et des révoltes, auxquels les pouvoirs publics  feignant d’ignorer le haut degré de  violences exercées, y compris contre de nombreux élus,  ont répondu positivement en :

– annulant la mesure contestée

– adoptant des allègements fiscaux

– et organisant le grand débat national.

A l’inverse, porté par un ressentiment de  colère et de peur un grand nombre des intervenants dans les émissions spéciales des chaines  d’information en continu, ont exprimé leur réprobation outragée à l’encontre de ces émeutes en forme de guérilla des quartiers « menées par des hordes sauvages qu’ils ont qualifié de « nuisibles ».

Il fallait que la République montre sa force face à cette barbarie qui s’est déchaînée », et que l’ordre républicain soit rétabli avant toute autre considération. Ce fut fait grâce à l’occupation du terrain par le dispositif de 45 000 policiers et gendarmes.

Le Ministre de la justice, a diffusé une circulaire demandant une réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique ». Le texte met l’accent sur les violences à l’encontre des forces de l’ordre qui doivent être réprimées sans failles, par de la prison ferme, au risque d’offrir aux adolescents confrontés à la justice pour la première fois les conditions d’une classe efficace d’apprentissage de la délinquance favorisée par la promiscuité et l’insalubrité carcérale dans des prisons surpeuplées.

Par ailleurs une seconde réponse visant à mettre en cause la responsabilité des parents de mineurs est avancée par certains politiques avec la traditionnelle et désuète solution des sanctions financières par la suppression des aides sociales, au risque de renvoyer dans la misère des familles, souvent monoparentales.

Considérer que tous les jeunes seraient mal éduqués serait de même nature que considérer tous les agents de la police comme systématiquement violents. A la seule différence que les premiers, par leur jeune âge, peuvent avoir le bénéfice de l’indulgence, quant aux  seconds ils ont au contraire la responsabilité de représentativité des institutions et des valeurs de la République. Ceci est valable à tous les échelons de l’administration dont il convient de bien veiller au bannissement des opinions personnelles qui nuisent à ces mêmes valeurs.

Pour tout le monde la répétition récurrente de ces flambées de violences marque l’échec, ou tout au moins les grandes insuffisances de considération par exemple des conseils citoyens, simples maillons d’une « politique de la ville » devenus « machin » administratif illisible, sans politique, ni ville ni urbanité.

Nous entendons dans la sphère politique et de la part de nombreux intervenants dans les médias, les termes de ANRU, rénovation urbaine, quartiers populaires, discriminations, rapport Borloo à la poubelle, Politique de la Ville…Cette dernière semble effectivement remise en cause dans sa bonne application et ce constat est corroboré par les dispositifs des Conseils Citoyens à l’échelle parisienne notamment qui n’ont jamais été valorisés ni même entendus.

Paradoxalement certains responsables affirment que l’inefficacité de la politique de la ville seraient dû au trop plein de moyens qui y seraient affectés.
D’autres pensent simplement que c’est trop cher, semblant rejoindre en cela le ministre des finances qui déclare : « Nous ne rétablirons pas l’ordre et l’unité de la nation par le désordre des finances publiques », Mais sans dégrader les finances publiques il aurait pu penser à des transferts au nom de la solidarité nationale.

Pourtant, de nombreux acteurs sociaux et politiques, confortés par les travaux de chercheurs en économie et sociologie rappellent que si beaucoup l’oublient ou ne veulent pas le voir, c’est bien un criant sentiment d’injustice qui a conduit au déchaînement de violence de ces derniers jours.

Pour aller plus loin, Il faut à cet égard écouter les paroles fortes et les analyses documentées exprimées sur radio France Culture samedi premier juillet

⇒  les raisons de la colère ?

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/et-maintenant-l-invite-e-des-matins-du-samedi/emeutes-que-vise-la-colere-2962633

par :

  • Catherine Arenou, Maire divers-droite de Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines et co-présidente de la commission Politique de la Ville et cohésion sociale de l’Association des Maires de France
  • Ali Rabeh Maire de Trappes
  • Sarah Ichou Directrice du Bondy Blog

 

Et

  • Philippe Rio Maire de Grigny
  • Emmanuel Denis Maire de Tours
  • Marwan Mohammed

Sociologue, chargé de recherche au CNRS (Centre Maurice Halbwachs)

La répétition et la rage, au cœur des émeutes françaises

Le collectif Pop-Part est un collectif scientifique qui regroupe les chercheurs, les professionnels et les jeunes ayant pris part à la recherche « Les quartiers populaires au prisme de la jeunesse : une recherche participative » (ANR Pop-Part), conduite de 2017 à 2022 dans dix villes et quartiers franciliens.

La démarche et les résultats sont notamment restitués sur le site Jeunes de quartier.

Le collectif a publié l’ouvrage Jeunes de quartier. Le pouvoir des mots (C & F Editions, 2021). Il intègre aujourd’hui le Kygel Théâtre, qui a monté la pièce de théâtre Vivaces, mettant en scène les textes de l’ouvrage. La pièce a été jouée une vingtaine de fois et continue à circuler.

En tant que Conseil Citoyen Paris 18, notre mission première est de favoriser le dialogue entre les autorités et la population, ainsi que de promouvoir la prise en compte des besoins et des perspectives des citoyens dans les décisions qui les concernent.

Pour remplir cette mission, le CCP18 , conformément à la loi, s’est constitué en association ouverte à tous les habitants et travailleurs des QPV . La Covid a mis un frein à son développement mais il est important qu’un maximum d’habitant s’implique directement afin de permettre la constitution d’un collectif à partir de la confrontation des ressentis et des aspirations de chacun. De plus un collectif solide et structuré  peut devenir réellement l’interlocuteur des autorités publiques mairie et état, pour faire avancer la prise au sérieux de ses propositions.

L’utilisation systématique des caméras embarquées dans les quartiers prioritaires semble être une solution souvent évoquée d’apaisement et de rétablissement de la confiance entre les citoyens et la Police.

Si le mouvement a été plus réduit dans le XVIII, notre arrondissement a déjà été le théâtre d’une affaire quasi similaire rue de Clignancourt

https://www.leparisien.fr/faits-divers/paris-deux-blesses-par-balles-lors-dune-controle-de-police-dans-le-xviiie-arrondissement-04-06-2022-GESERCIAHRAHVITXCBJXVNXYOU.php

« Si la balle qui a tué ma fille n’avait pas été tirée par un policier, l’enquête avancerait-elle plus vite ? », se demandait, en avril 2023 sur France info,

La mère de Rayana, 21 ans, tuée le 4 juin 2022 lors d’un contrôle de police qui a mal tourné, dans le 18e arrondissement de Paris. Sa fille était passagère du véhicule. Elle regrettait que les trois policiers mis en cause n’aient toujours pas été auditionnés par le juge d’instruction, dix mois après les faits.

Il a fallu attendre le 6 juin 2023 pour que le policier mis en cause soit mis en examen pour « violences volontaires avec arme ». L’affaire n’est pas terminée

Et par le passé:

Avec l’affaire MAKOME : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Makom%C3%A9_M%27Bowol%C3%A9

et les témoignages encore de résonnance actuelle:

https://m.facebook.com/Ina.fr/videos/3374501546029793/?extid=reels&refsrc=deprecated&_rdr

Nous appelons également la société civile, les associations locales et tous les citoyens soucieux de la justice et de l’équité à se joindre à nous dans cette démarche. Ensemble, nous pouvons œuvrer pour un système policier plus responsable, transparent et respectueux des droits fondamentaux de tous.

Le Conseil Citoyen Paris 18 s’engage à continuer à promouvoir le dialogue, à faire valoir les voix des citoyens et à œuvrer pour une société juste et d’avantage égalitaire.

 

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