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Respect des principes de la République : il faut aussi un volet éducatif.

Pour enrichir la réflexion du groupe éducation : Tribune publié sur le Forum La Croix, le 2 février 2021 par Jean-Claude Sommaire, ancien secrétaire Général du Haut conseil à l’intégration et Jean-Claude Devèze, membre du Pacte civique et de Démocratie et spiritualité, invitent à lutter contre le « séparatisme » de certains jeunes en engageant le dialogue avec eux, hors du système scolaire.

« D’après plusieurs enquêtes, un nombre important de nos jeunes concitoyens de confession musulmane, en particulier ceux scolarisés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, se sont éloignés des principes républicains qui fondent notre vivre ensemble. En effet beaucoup d’entre eux, sur différents sujets, se réfèrent d’abord à leur univers religieux plutôt qu’aux enseignements qui leurs sont dispensés par l’école publique.
Un fossé béant est donc en train de se creuser entre la culture familiale et communautaire de ces élèves et une culture scolaire universaliste cherchant à leur apporter, comme aux autres enfants, les connaissances et les valeurs républicaines d’émancipation qui fondent notre société démocratique. Pour combler ce fossé, des mesures éducatives spécifiques doivent être élaborées en direction de ces jeunes, en sachant toutefois que, pour la plupart d’entre eux, toute pédagogie « traditionnelle », verticale, qui va du maître vers l’élève, ne fonctionne plus. Des « enseignements » sur les valeurs républicaines et la laïcité qui leur seraient ainsi dispensés seraient donc totalement inopérants s’ils ne sont pas adaptés comme certains professeurs l’expérimentent déjà.

Des temps de libre expression
Il nous apparaît donc absolument indispensable de répondre à leurs aspirations sur ce plan en organisant, avec eux, des temps spécifiques de libre expression et d’échanges, en sachant que leurs propos, inévitablement, viendront heurter frontalement nos valeurs républicaines universalistes. Il faut cependant accepter d’entendre leur ressentiment à l’égard de « notre société démocratique » qui leur parle d’égalité et de justice alors qu’eux-mêmes se considèrent être victimes des violences policières et de discriminations ethniques.

Il faut organiser et multiplier les occasions de dialogue pour aider ces jeunes à mûrir, à cheminer et à évoluer, en suscitant chez eux questionnements et doutes pour faire tomber la barrière qu’ils élèvent secrètement entre leurs convictions profondes qui se nourrissent, pour beaucoup, de  « l’islam des quartiers », et les principes et valeurs que veut leur transmettre l’école. Il faut les aider à s’extraire de leur enfermement dans une représentation unilatérale du monde en leur faisant découvrir d’autres croyances, convictions et appartenances, religieuses ou non, que les leurs.

Le sens de la vie
Comme d’autres, les jeunes des quartiers se posent des questions sur le sens de leur vie, en s’interrogeant sur leur place dans notre société du fait des histoires familiales spécifiques qui pèsent sur la construction de leur identité. La plupart d’entre eux, bien que juridiquement Français, ont trop souvent le sentiment de ne pouvoir devenir, au mieux, que des Français à part. Souvent originaires des immigrations postcoloniales maghrébines et africaines sub-sahariennes, mais aussi, de plus en plus, issus de cultures extra-européennes encore plus éloignées de la culture française, ils se réfugient trop facilement dans un islam idéalisé hostile aux valeurs occidentales.

Engager un tel dialogue, sans concession, avec ces jeunes peut bien évidemment être amorcé par des enseignants motivés dans le cadre scolaire habituel, mais il faudrait aussi pouvoir le développer dans un cadre plus ouvert permettant de parler plus spécifiquement de leurs conditions de vie dans la cité et des sujets qui les préoccupent.

Un réseau d’animateurs
Le gouvernement ne pourra pas combattre le séparatisme de jeunes en manque de repères par des dispositions principalement d’ordre sécuritaire, ce que prévoit l’actuel projet de loi confortant le respect des principes de la République. C’est pourquoi nous demandons aux associations concernées et aux pouvoirs publics d’étudier la création d’un réseau d’animateurs de vie personnelle et civique venant compléter le travail des enseignants et des divers intervenants déjà présents au sein de l’institution scolaire. Ce réseau d’animateurs, qui ne seraient pas directement à la charge de l’État, pourrait trouver toute sa place au sein des bénévoles de la réserve citoyenne de l’Éducation nationale lancée en 2015 et de ceux de la réserve civique créée en janvier 2017.

Dans un premier temps, la constitution d’un tel réseau pourrait être engagée à titre expérimental dans le cadre du programme national des « Cités éducatives », en lien avec les établissements et services relevant de la Protection de l’Enfance (enfance de danger) et de la Protection judiciaire de la jeunesse (mineurs délinquants). C’est à ce niveau que pourrait s’effectuer l’indispensable travail préalable de définition des missions de ces animateurs, des modalités de leur recrutement et de leur formation, de leur suivi, etc. avant une généralisation ultérieure auprès de l’ensemble des élèves scolarisés dans les quartiers prioritaires de la ville. »

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